Il était une fois… Findhorn. je vous ai raconté comment je suis tombée sous le charme de ce lieu mythique. Mais, il ne s’agit pas uniquement d’un lieu ou d’un jardin. Findhorn est avant tout un égrégore (lien def wikipedia), et celui-ci est particulièrement puissant. J’ai déjà partagé quelques exemples qui permettent d’illustrer son influence jusque dans les moindres détails du quotidien. C’était bon et ressourçant pour moi, sur tous les plans. Mais… je ne suis pas dupe. La réalité est un peu plus complexe. D’une certaine façon, c’est comme si la légende avait pris le pas sur la réalité et imprimait son empreinte sur les humains qui vivent ici. Comme dans les contes, il y a toujours des zones d’ombres derrière le jardin féérique. Je tente une explication plus rationnelle et détaillée. Cela reste bien sur ma propre perception subjective. Déjà sur le plan matériel, il faut regarder en face la réalité socio-économique de la communauté. Même si d’importants efforts ont été fait récemment pour faciliter une ouverture vers des résidents moins aisés (notamment l’ouverture d’un bâtiment avec des logements sociaux), la majorité des membres de l’Eco-Park vit de revenus personnels, ou de rentes (retraites,…) externes au village. La sélection économique est forte, les habitations sont chères et convoitées. La moyenne d’age est plus élevée que je ne l’aurais cru, avec plus femmes que d’hommes. Il y a bien des enfants et des familles, mais peu de jeunes adultes. Historiquement, une bonne partie des membres de la communauté est venue de l’étranger, attirée par le rayonnement New Age des fondateurs (Peter et Eileen Caddy et Dorothy McLean). On a donc une certaine catégorie de population qui prend l’avion pour un oui ou un non, gagne sa vie avec des workshops ou interventions un peu partout en Europe, et passe une partie de l’année seulement à Findhorn. Je m’interroge sur la durabilité et la résilience d’un tel modèle économique dans le monde qui vient? Avec l’explosion de la demande immobilière, le prix croissant des terrains et des logements à vendre dans la communauté - mondialement attractifs-, réapparaissent en interne les schémas d’inégalités économiques. Sur le plan des liens humains, je ne saurais me prononcer objectivement. J’ai tant reçu… Mais j’ai aussi entendu parler des tensions relationnelles inévitables, de « querelles de chapelles », de conflits non résolus. Indubitablement, se connecter à Findhorn, c’est se connecter avec un tissu systémique complexe et riche de valeurs, de fonctionnements, de pratiques, de relations.. qui finissent par colorer et imprégner nos propres valeurs, fonctionnements, pratiques, relations. Avec ses ors et ses lumières ! J’ai pu sentir personnellement les jeux égotiques inconscients, inévitables, sous-jacents à la vie en cercle fermé. 300 personnes, c’est peu. Les histoires de coeur, les jeux de séduction , et la « liberté » amoureuse semblent faire partie de la culture invisible… Comme partout, être une nouvelle arrivante jeune et célibataire permet de tester et de sentir les regards de « chasse à l’affut» à certains moments :) Sans rien connaître des ragots locaux, j’ai déjà senti certaines choses qui réveillent en moi des jugements sur la vie en communauté si proche. Mais les racines sont plus lourdes : en 1978, Peter Caddy a quitté Eilleen pour une femme beaucoup plus jeune de la communauté. Il a choisi de partir fonder en Californie un autre centre New Age. Deux mariages successifs plus tard, il a fin par écrire un livre reniant toute la dimension spirituelle de l’expérience de Findhorn (il questionne notamment la nature de la « petite Voix» qui les a guidés lui et sa femme depuis le début). Après son départ, une forme d’ombre semble avoir corrompu pendant de nombreuses années les processus décisionnels et relationnels au sein de la communauté. Sa figure semble avoir été plutôt avec un leadership descendant (de type « rouge » - pour ceux qui connaissent Reinventing Organization de Frédéric Laloux, ou tout simplement la Spirale Dynamique ?-), dans un contexte « violet » qui a ensuite cherché à évoluer vers une organisation horizontale très (trop?)« verte », avec toutes les ombres du vert excessif et des conflits d’autorité cachés. La figure d’Eilleen semble avoir été également peu cohérente après le départ de Peter. Et l’histoire de la « Petite Voix » est édifiante lorsqu’on rentre dans les détails. J’ai lu beaucoup de choses à ce sujet, que j’aimerais développer dans la section Mondes Invisibles. Tour cela pourrait être de l’histoire ancienne. Mais comme toute organisation pionnière, Findhorn a eu beaucoup de mal à voir et à assumer ses ombres. Dans ce cas de figure, ce qui n’a pas été traité passe en souterrain dans l’inconscient du collectif… et ressurgit de façon inattendue et en apparence inexplicable. 2021, dans le contexte économiquement tendu de l’après-covid (qui avait diminué de moitié les revenus de la communauté,très dépendante du tourisme spirituel et écologique),un des membres de la communauté, s’est retrouvé en conflit avec le collectif. J’ignore les détails de l’histoire, mais colères et ressentiments accumulés ont conduit cette personne (probablement déjà instable ?) à incendier deux bâtiments fondateurs : le sanctuaire initial, et le centre communautaire. Ce passage a l’acte a été un choc et un traumatisme pour tout Findhorn qui panse encore ses blessures. Le lieu a été dégagé de ces cendres, et la reconstruction se fait lentement, en conscience, avec des processus humains tout autant que des projets concrets. J’ai pu ainsi assister à une touchante pièce de théâtre, entièrement écrite et créée par de jeunes résidents temporaires qui a su aborder le sujet de la destruction, de la crise écologique, et de nos déconnexions profondes avec délicatesse, profondeur et beaucoup d’émotion…. 40 personnes ont assisté à cette performance en plein air, notamment sur le lieu qui avait été incendié : un vrai temps de catharsis et d’écopsychologie collective. Un autre exemple de résilience qui m’a beaucoup frappée : toujours en 2021, la tempête Arwen (ça ne s’invente pas) a soufflé une partie de la forêt de pins qui jouxte les habitations. Après le choc, les habitants de l’Ecopark ont nettoyé les parcelles, utilisant le bois tombé pour construire un éco-centre pédagogique (il faut voir le magnifique travail de charpenterie, le tout réalisé sur place à la dégauchisseuse….) et valoriser la démarche de reboisement en cours. Une des parcelles a été laissée sans arbres. L’inspiration du collectif a proposé d’en faire le premier lieu de mémoire des personnes décédées à Findhorn…. Qui a donc maintenant son cimetière/mémorial. Pour moi, c’est un signe subtil et fort de maturité collective. Avec la pratique des cercles, et des processus d’émergence et de prise de décisions incluant le dialogue et l’intuition, le leadership collaboratif semble plutôt bien fonctionner. Mais la Fondation initiale s’est complexifiée avec la naissance d’entités juridiques à vocation économiques qui doivent gérer des bénéfices (vente des terrains et des bâtiments, jardins maraîchers devenus une entreprise à part…). Cela a créé comme souvent un gradient culturel entre les pionniers « bénévoles militants et hyper impliqués» du début, et de nouveaux arrivants qui peuvent avoir des niveaux d’implication, d’engagements et de cohérence avec les valeurs initiales très différents. Classiquement, lorsque les pionniers se font de moins en moins nombreux, il est courant que le noyau de la structure initiale se rigidifie , avec des tentatives d’émergence innovantes venant d’autres arrivants. Est-ce le cas à Findhorn ? Il semble qu’aujourd’hui l’égrégore cherche son équilibre entre une vision plus « spirituelle » (les anges, la petite voix, l’héritage des pionniers) et une vision plus « écologique et technique » de Findhorn (démarche environnementale, crédits européens etc..). Comment ce cocktail va-t-il évoluer ? Les nouvelles générations vont-elles pouvoir accueillir, regarder en face et transformer les ombres du passé ? Quelle sera la boussole qui orientera les nouveaux choix ? A quoi ressemblera le Findhorn des prochaines décennies ? Je suis curieuse de suivre l’aventure. Les forces de résilience humaines et d’éco-résilience environnementales qui émergent ici sont fascinantes pour moi. Mais - éclairée par mes 11 ans d’expérience dans Oxalis- je vois aussi l’énorme pouvoir hypnotique et ambivalent de cet écosystème énergétique. Je n’ai pas envie de m’y perdre.
Voila. C’est un partage très personnel qui parle aussi de moi et de mes ombres, bien sur :) J’ai pensé que certain.e.s d’entre vous seraient intéressés par les dimensions moins « évidentes » de ce collectif devenu iconique. Le voyage continue… A suivre !
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